Salaire moyen d’un PDG au Canada : chiffres et analyses
En 2023, la rémunération moyenne des PDG au Canada a atteint 14,9 millions de dollars, soit près de 243 fois le salaire moyen d’un employé à temps plein. Cet écart, déjà notable il y a dix ans, a continué de se creuser malgré des débats publics récurrents sur l’équité salariale.
Les ratios publiés par les grandes entreprises canadiennes affichent des disparités plus marquées que dans plusieurs autres pays du G7. Au Québec, la perception de ces écarts alimente un scepticisme croissant, tandis que la législation tarde à imposer des balises contraignantes.
Plan de l'article
Le salaire moyen des PDG au Canada : état des lieux et évolutions récentes
Le Canada s’est hissé au rang des champions mondiaux lorsque l’on parle de rémunération des hauts dirigeants. D’après le Centre canadien des politiques alternatives (CCPA), le salaire moyen d’un PDG au Canada s’élève désormais à 11,2 millions de dollars en 2025. Ce montant ne tombe pas du ciel : il est composé à 65 % de rémunération variable, autrement dit de primes, d’options et d’actions attribuées. Ce système, bien rodé, propulse la moyenne bien au-dessus de celle d’un cadre supérieur classique. Du côté des grandes entreprises québécoises, la note grimpe encore : 13,2 millions de dollars de moyenne. Concrètement, en un peu plus de dix heures de travail, un PDG empoche ce qu’un salarié moyen québécois gagne en douze mois (60 077 dollars).
Impossible d’ignorer la trajectoire prise ces dernières années. Les entreprises canadiennes ont multiplié les dividendes par plus de cinq en vingt ans, atteignant 308,6 milliards de dollars en 2022. Ce flot d’argent bénéficie d’abord aux hauts dirigeants, dont la rémunération variable s’envole, notamment dans les secteurs de la finance et des technologies. Quelques exemples frappants illustrent cette surenchère : Jean-Paul Chauvet (Lightspeed Commerce) a perçu 27,6 millions de dollars en 2022, enregistrant une progression de 1803 % en un an. Michael Rousseau (Air Canada) affiche 12,37 millions (+233 %), tandis que Roberto Bellini (Bellus Santé) atteint 7,65 millions (+243 %).
La structure type de ce salaire annuel moyen se révèle limpide : une base fixe assez modeste, mais une part variable massive, directement indexée sur la performance boursière. Dans le secteur public, la réalité est toute autre : le plafond reste fixé à 700 000 dollars par an, bien loin des montants du privé. Le portrait de la diversité reste figé : sur les 21 PDG québécois les mieux rémunérés, une seule femme apparaît dans le classement.
Pourquoi de tels écarts de rémunération ? Analyse des inégalités face aux employés et à l’international
Les écarts de rémunération n’ont jamais été aussi marqués entre PDG et salariés. D’après le CCPA, le ratio de rémunération entre un PDG du top 100 et un employé type atteint 191 pour 1. Autrement dit, il suffit d’une matinée à un PDG pour gagner le salaire annuel d’un salarié moyen. Ce décalage, devenu la norme dans les rapports annuels, attise les crispations à l’intérieur des entreprises.
Le face-à-face avec les États-Unis met la situation canadienne en perspective. Les PDG américains des 350 plus grandes sociétés touchent en moyenne 27,8 millions de dollars US. Cela représente 399 fois le salaire médian d’un employé, selon l’Economic Policy Institute. Le Canada ne rivalise pas encore avec ces sommets, mais l’allure est similaire : la rémunération des hauts dirigeants a doublé en vingt ans, portée par la financiarisation à outrance et la multiplication des primes indexées à la bourse.
Les inégalités se creusent aussi selon le genre. Peu de femmes percent à ces niveaux : leur chance d’accéder aux plus hauts rangs reste inférieure de 67,4 %. Cette absence de diversité ne cède pas, même face aux politiques de diversité affichées dans les rapports ESG.
Les autorités cherchent à contenir cette spirale. Aux États-Unis, la Securities Exchange Commission impose aux sociétés cotées de publier le ratio PDG/employés. Au Canada, certaines mesures fiscales, comme l’ajustement du taux d’inclusion du gain en capital, ciblent les très hauts revenus, mais la structure des écarts salariaux reste intacte. D’un secteur à l’autre, la finance et la tech continuent de tirer la moyenne vers le haut, consolidant une élite toujours plus déconnectée du quotidien du salarié moyen.
Regards québécois sur les ratios salariaux : perceptions, débats et enjeux de société
Au Québec, le rapport salarial entre PDG et employés fait l’objet d’un examen attentif. L’Observatoire québécois des inégalités décortique ces chiffres avec minutie et alimente un débat animé sur la rémunération des hauts dirigeants. Chaque année, l’engagement citoyen s’exprime lors des assemblées d’actionnaires. Des ONG et groupes militants, parmi lesquels le MÉDAC, interpellent publiquement les conseils d’administration sur la légitimité de tels écarts.
Pour illustrer ce contraste, voici quelques exemples concrets du secteur non lucratif québécois :
- À la Fondation One Drop, seuls 33 salariés, et une seule personne franchit le seuil des 350 000 dollars annuels.
- Chez Centraide du Grand Montréal, le poste le mieux rémunéré s’élève à 350 000 dollars, alors que l’organisation emploie plus de 130 personnes.
Ce panorama tranche radicalement avec celui des grandes sociétés privées, où la rémunération des PDG tutoie parfois les 13 millions de dollars par an.
La question de la transparence revient sans cesse dans les débats, portée notamment par des voix comme celle du professeur Michel Magnan (Université Concordia). Le ratio salarial devient alors un outil de comparaison sociale, un révélateur des valeurs collectives. Les syndicats et certains dirigeants communautaires s’en saisissent pour questionner le modèle de gouvernance et la place réelle de la performance dans l’attribution des salaires.
Dans le secteur public, la rémunération des dirigeants ne dépasse généralement pas 700 000 dollars par an, bien loin des pratiques du privé. Cette situation nourrit une réflexion profonde sur la légitimité, l’attractivité et la responsabilité attendues des élites. Le Québec, une fois encore, semble tracer une voie singulière autour de la question de la justice salariale.
Face à ces chiffres, la question reste entière : jusqu’où ira la course aux millions au sommet, et à quel prix pour la cohésion sociale ?
